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ADEL BENSACI, PRÉSIDENT DU CONSEIL Liberté NATIONAL CONSULTATIF POUR LA PROMOTION DES PME “Nos usines ne fonctionnent qu’à un tiers de leurs capacités”


Liberté : Vous avez pris part récemment à une rencontre de lancement d’un projet de montage de véhicules électriques en Algérie. Le Conseil consultatif pour la promotion de la PME est-il appelé à tenir un rôle plus décisif pour la relance industrielle ?

Adel Bensaci : Effectivement. Nos adhérents et nos confrères ont besoin d’actions concrètes. Ce qui nous intéresse le plus est d’être au plus près de nos producteurs pour réaliser des actions qui vont impacter la production, c’est-à-dire, la relance industrielle et la sous-traitance. L’intérêt pour nous est de travailler avec des constructeurs tels que Baic, par exemple qui est prêt à jouer le jeu, à effectuer le transfert de technologie, non seulement
pour satisfaire le marché national mais aussi faire de l’Algérie une plateforme d’exportation.

Sinon, nous ne pourrons pas atteindre les volumes nécessaires à même de pérenniser cette industrie.

Quels sont justement les volumes à atteindre impérativement pour rendre pérenne cette industrie ?

L’on estime à 150 000 véhicules au minimum pour un modèle afin d’arriver au point d’équilibre, c’est-à-dire pour ne pas perdre de l’argent. En tout cas, il faut reconnaître qu’il s’agit d’une industrie naissante. Il faut, toutefois, sortir de ce cercle vicieux où l’on subit toujours l’échec programmé et l’on développe des pensées pessimistes reflétant, soi-disant notre incapacité à concrétiser des choses dans ce secteur.

Le projet de partenariat prévu entre la firme chinoise Baic et des sous-traitants algériens intègre-t-il une nouvelle approche pour relancer l’industrie automobile ?

Oui, pour une fois, il s’agit d’une opération concrète. Il y a un opérateur algérien qui veut investir avec un partenaire fiable de premier ordre en l’occurrence Baic. Dans le cadre de ce projet, nous avons étudié les possibilités actuelles d’intégration dans une première étape puis nous développerons progressivement l’activité. Il suffit juste de commencer et le reste viendra avec.

Pourriez-vous nous dresser un état des lieux du secteur de la sous-traitance notamment dans la filière mécanique ?

Nous avons accordé une grande importance à la filière mécanique compte tenu de sa transversalité. La mécanique touche, en effet, à toutes les filières notamment l’agriculture, l’agro-transformation, les hydrocarbures, l’aéronautique…. C’est une industrie primaire.

Si on arrive à lui faire rejouer son rôle d’industrie de soutien qui va fournir les pièces de rechange et les équipements pour les divers secteurs, elle assurera une contribution considérable dans le développement de l’industrie et la croissance économique. Il ne faut pas oublier que c’est la première activité touchée par la crise économique pré et post-Covid.

Si l’on se réfère aux chiffres de l’Office national des statistiques du deuxième trimestre de l’année 2020, la production industrielle des entreprises publiques (uniquement) activant dans les industries de sidérurgie, de mécanique et de l’électronique a enregistré une chute de 56%. Nos usines ne fonctionnent qu’à un tiers de leurs capacités à travers tout le territoire national.

Que faire face à ce constat très défavorable ? 

Nous avons entamé des actions auprès des grands donneurs d’ordre activant dans les secteurs de l’énergie, des hydrocarbures, les cimenteries… qui sont demandeurs et peuvent être pourvoyeurs d’activés. Nous sommes en train d’élaborer trois plans d’action. Le premier sera mis en oeuvre en collaboration avec le ministère de l’Industrie dans le but d’avoir une stabilité juridique et garder les avantages du décret sur la sous-traitance notamment celui lié aux intrants. Toutes les entreprises sous-traitantes, sur une base déclarative, pourront ne pas payer les droits de douanes et la TVA lors des opérations d’importation des intrants.

Ce qui permet à l’entreprise algérienne d’être compétitive par rapport aux marchandises importées. Cet avantage lui donnera également plus de trésorerie puisqu’elle aura beaucoup moins de charges à payer sur ses matières premières. Ce qui fera aussi de l’Algérie une zone compétitive. Le deuxième plan se veut une action envers des donneurs d’ordre directement. Il existe une réglementation. Nous n’avons pas besoin de la changer. A mon avis, il faut opter pour une présélection des fournisseurs d’entreprises algériennes suivant des critères d’éligibilité et qui sont prêtes à fournir les grands donneurs d’ordre selon une préqualification tel que cela se fait lors des appels d’offres dans un cadre réglementaire et conformément aux exigences du code des marchés publics. Ce sont ces entreprises qui devront être accompagnées.

Ce sont celles-ci qui devront être ciblées par la nouvelle agence de mise à niveau afin qu’elles soient les modèles ou les pionnières qui iront les premières vers la certification, les qualifications spécifiques dont l’ISO, l’API (American Petroleum Institute). Et à partir de là, nous pourrons aller vers la réalisation des volumes de plus en plus importants. L’erreur commise auparavant, c’est qu’on a voulu mettre à niveau tous azimuts sans avoir une politique concertée qui prenne en considération les spécificités de chaque filière. Jusque-là, nous n’avons fait qu’importer le chômage pour notre pays avec notre propre argent.

Pourriez-vous être plus explicite ?

Je veux dire que les importations réalisées jusque-là se font au détriment du tissu industriel algérien. Avec notre propre argent, nous contribuons à l’essor des sociétés étrangères de par le monde et nous continuons dans le même temps, à fermer les notre et à mettre au chômage nos concitoyens. Or, l’approche à mettre en oeuvre signifie qu’il faut donner aux entreprises algériennes l’accès à leur marché naturel. Donner du chiffre d’affaires aux entreprises, c’est préserver les postes d’emploi et c’est augmenter la fiscalité ordinaire. Et une fois une entreprise respire économiquement, elle pourra aller vers la mise à niveau et non pas l’inverse.

En quoi consiste le troisième plan que vous venez d’évoquer ? 

Nous avons programmé une fois par trimestre des rencontres avec des opérateurs économiques de toutes les régions du pays. Nous allons écouter leurs doléances, débattre des différentes problématiques qu’ils soulèvent et les mettre par la suite en contact avec les diverses institutions concernées notamment les agences de facilitation, les fonds d’investissement, les fonds de garantie... dans le but de créer une véritable concertation et trouver ensemble des solutions aux problèmes exposés. Chacun doit implémenter le changement en soi. Le dialogue est très important pour recréer les liens et la cofinance entre les opérateurs et les autorités.

La stratégie adoptée par le Conseil consultatif de la PME cible d’abord les sous-traitants pour aller par la suite vers l’institutionnel…

Exactement. Nous n’attendons pas à ce que ça ruisselle de haut en bas. Nous voulons constituer un levier aux niveaux local et régional puis national. Nous privilégions des microactions qui seront des opérations pilotes que nous pourrons ensuite généraliser partout, plutôt que d’opter pour des mastodontes difficiles à piloter et dont les résultats sont très limités. Nous ne voulons plus être demandeurs.

Nous voulons être pourvoyeurs de solutions d’optimisation. Nous sommes capables de proposer des solutions locales, donc capables de régler des problématiques et d’optimiser les chaînes logistiques et l’approvisionnement de ces grands donneurs d’ordres.


Propos recueillis par : B. KHRIS



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